quand je m'endors... {POV Norah + Nick}

Norah s'était encore allongée dans l'herbe sur les rives de la Delaware. Un vent doux et un peu frais caressait son visage malgré le soleil et la chaleur ambiante. Elle souriait. Dans son baladeur tournait Bad Day de Daniel Powter et elle ne tarda pas à sombrer dans le sommeil profond qu'elle n'avait pas réussit à trouver chez elle depuis quelques jours.
Elle se plongeait dans un rêve d'apparence obscur. Les couleurs étaient d'abord floues, imprécises. Puis elles se clarifiaient. Elle réalisa qu'elle courait à en perdre haleine dans l'herbe. Ses pieds, nus, foulaient le sol à une vitesse incroyable et pourtant elle n'était pas essoufflée. Elle ne se sentait pas heureuse... Peut-être l'était-elle, mais elle avait dû oublier ce qu'était ce sentiment... Non, non. Vraiment, elle s'en serait rendu compte si la joie l'animait. Elle n'avait pas peur non plus. Elle savait juste qu'elle était pressée.
Elle escalada une sorte de petite coline et au lointain une silouhette lui apparut. Elle ne savait pas reconnaître de qui il s'agissait. La silouhette était trop lointaine. Elle continuait de courir, sachant, cette fois, vers quoi elle allait. Elle voulait savoir qui était cette personne qui semblait l'attendre là-bas. Soudain il y eut un déclic dans son esprit. Elle reconnut la tignasse frisée, le visage ovale et allongé, les sourire lumineux de Nicholas... Elle se stoppa net. Aller se jeter sur lui était-il une bonne idée? Elle l'envisagea longuement, restant à une distance suffisante. Suffisante, oui. Parce que trop proche de lui, elle perdait tous ses moyens. Elle ne pouvait plus réfléchir quand il était près d'elle. Or, à cet instant précis, elle avait besoin de tous ses esprits.
Et puis, elle décida que s'il était là, c'était sans doute pour une raison et que si, en la voyant, il n'était pas parti de l'autre côté, c'était que quelque part, il avait envie de la voir. Non?

Elle reprit sa course courant plus vite encore. Et de plus en plus. Elle arriva près de lui, encore plus près, toujours plus près et elle finit par se laisser emporter dans ses bras.

- Nicholas... Enfin...!

Sa joue frôlait celle du garçon alors que sa main caressait doucement sa chevelure.

Elle sourit en entendant sa voix. Etait-ce vraiment lui? Etait-elle vraiment en train de le serrer dans ses bras comme s'ils n'avaient jamais été séparés l'un de l'autre? Elle sentait ses mains dans son dos et la sérénité lui revenait tranquillement.

- J'ai couru si vite... J'ai cru que j'allais manquer d'air, mais ça a été. Et puis je ne savais pas si tu voudrais bien me voir... J'avais peur.

Elle déposa un doux baiser sur sa joue et se glissa à côté de lui câlant, comme auparavant sa main dans celle du jeune homme.

Norah rit lorsque Nicholas l'entraîna pour danser. Le bonheur d'être avec lui la rendait euphorique... Comme avant... Lorsqu'il s'approcha et laissa ses lèvres frôler celles de la blonde, elle ne ferma pas les yeux. Elle voulait voir son visage encore. Etre à tout prix sûre qu'il était bien là, avec elle. A nouveau le doute et l'hésitation s'emparaient d'elle. Elle mourait d'envie de l'embrasser, mais elle ne savait pas si l'idée était brillante... Et puis elle réalisa qu'elle rêvait, à cet instant précis, et que, dans ses rêves, elle faisait ce qu'elle voulait! Elle se hissa sur la pointe des pieds pour embrasser farouchement Nicholas.
Lorsqu'elle se recula, son visage était marqué d'un sourire de satisfaction un peu honteux. Elle n'osait pas relever les yeux vers lui. La jeune femme pensait avoir fait preuve de trop de précipitation à son goût. Elle avait peur que celà déplaise au frisé...

Elle mit toute son âme dans ce baiser, caressant doucement de sa langue celle de Nicholas. Cette étreinte avait quelque chose de spécial, elle le sentait. Ce n’était pas ces baisers du quotidien qu’ils avaient eus l’un pour l’autre pendant pratiquement huit ans. Celui-ci ressemblait plus à celui qu’ils s’étaient offerts une après-midi dans les couloirs de St Adrien alors qu’elle était encore avec Joseph. Cette fois où, à la sortie d’une salle de permanence leurs désirs étaient devenus trop lourds pour eux. Mais, ce baiser n’était pas exactement pareil non plus. Il n’avait pas le goût de l’interdit. C’était son rêve après tout, rien n’y était interdit. Mais il y avait autre chose… De la nostalgie ? Peut-être. Quelque chose d’autre… Le goût de la fin. Elle le sentait à présent, elle le comprenait. C’était fini. Elle avait mis du temps, beaucoup de temps à l’accepter, mais elle avait fini par se rendre à l’évidence. Leurs vies ne se mêleraient plus de la même manière.

Est-ce que ça l’enrageait ? Pas vraiment.

Est-ce qu’elle le regrettait ? Bien sûr.

Mais il fallait qu’elle finisse par l’admettre. Nicholas resterait toujours quelqu’un de particulier pour elle, mais il n’était finalement peut-être pas le prince charmant qu’elle avait cru voir en lui toutes ces années. Elle avait dépassé tous les stades : la colère, la négation, la tristesse, pour finalement s’en remettre à l’acceptation.

Lorsque leurs lèvres se séparèrent, elle baissa la tête pour poser son front contre l’épaule du jeune homme. Elle ferma les yeux et se remplit de l’odeur douce et chaleureuse de Nicholas. Ses petits bras se refermèrent dans le dos du brun et elle le serra un peu plus fort, souriant doucement. Elle nicha ensuite son visage dans le cou du garçon appréciant sa chaleur contre son front, son nez et ses joues. Elle embrassa doucement sa peau. Juste amicalement. Juste pour la douceur. Elle savait qu’il le comprendrait.

- On a passé sept belles années n’est-ce pas ?

Elle resta un peu debout alors qu'il s'était assis, fermant les yeux et souriant. Un vent doux et tiède caressait son visage, faisant voler ses cheveux autour de son visage. Elle inspira et expira calmement, profitant de ces instants de sérénité profonde. Un mince soupir lui échapa. Ce n'était pas un soupir de désespoir ou de découragement. Juste le besoin de respirer librement. Après ça, elle vint s'asseoir aux côtés du frisé. Elle n'avait toujours pas perdu son sourire. Comment ne pas sourire lorsqu'elle était proche de lui? Elle attrapa sa main doucement et y glissa la sienne, mais elle l'en défit bien vite pour jouer tranquillement avec le bout de ses doigts. Elle les embrassa l'un après l'autre avant de blottir à nouveau son petit poing dans la paume du jeune homme. Elle entrelaça leur doigts et posa sa tête sur son épaule. Se balançant lentement de droite et de gauche pour les berçer tous les deux elle freudonna très bas les paroles de la chanson "Ne dit jamais adieu" de Bruno Pelletier.

- Avec toi j'ai tout affronté, les tempêtes, les naufrages, notre amitié nous protégeait des dangers du voyage... Mais soudain tout est changé, nos deux chemins séparés, l'horizon s'est refermé, non pas question d'accuser... Qui a tort? Qui a raison? Quel destin est le bon? Je l'ignore, mais j'ai compris... Tout est dit... C'est fini. Ne dit jamais adieu à un ami qui part. Ce n'est pas un adieu, rien qu'un aurevoir.

Un peu plus tard les mots de Nicholas lui revinrent.

- Ca me fait plaisir d'avoir été quelqu'un pour toi. Tu comptes beaucoup, tu sais? Je t'aime. Malgré tout. Tu étais mon meilleur ami et plus que ça...

Elle haussa les épaules en souriant.

- Tu redeviens mon meilleur ami maintenant?

Il la regardait faire, sans bouger. Il n'en n'avait pas envie, car il était bien là, dans l'herbe, au soleil, avec Norah. On aurait presque pu croire que c'était un petit coin du paradis. Il la regarda embrasser ses doigts, et ne ressentit pas ce petit picotement au cœur, qu'il ressentait toujours lorsqu'elle le touchait. C'était vraiment terminé cette fois.
Il ferma les yeux en l'écoutant fredonner, elle avait une jolie voix, et les paroles étaient vraiment actuelles.

Nick : Tu voudrais encore de moi comme meilleur ami ?

Elle serra doucement la main de Nicholas contre son coeur. Elle, ressentait toujours cette impression d'être plus vivante contre lui. Mais elle était persuadée que cela passerait avec le temps. Elle l'avait aimé, elle l'aimait depuis sept ans et elle lui avait tout donné. Aujourd'hui ces moments de bonheur appartenaient au domaine de la mémoire et, bientôt, eux seuls garderaient au fond l'emprunte indélébile de leur amour. Mais il fallait du temps. Elle avait compris et accepté, mais elle ne s'y fondait pas encore.

- Toujours. Même s'il ne peut plus y avoir d'amour, j'ai toujours besoin que tu sois près de moi.

Elle caressa du bout des doigts la paume de la main du jeune homme.

- Ton odeur, ton sourire, ta voix, tes yeux, la douceur de ta peau... Même tes bouclettes. J'ai encore besoin de tout ça.

Norah s'allongea dans l'herbe et ferma les yeux.

- Enfin, je sais bien qu'en voulant grimper les échelons dans ton coeur j'ai perdu les autres places potentielles. Comme on dit, "qui va à la chasse..."

Elle soupira. De découragement cette fois. De honte, de mépris pour elle-même et de déception.

- But don't charge me for the crime. J'étais juste amoureuse.

A nouveau, elle soupira et se tut un moment. Des nuages blancs s'étaient amassés dans le ciel et le vent avait baissé sa puissance. Elle rouvrit les yeux et leva un peu la tête pour le regarder.

- Hé Nick... On laisse tomber ça? On sera juste nous, ni plus ni moins. C'est plus facile pour le moment, on va quand même pas transformer mon rêve en cauchemar. Hm?

Elle referma les yeux et freudonna encore. Un chanson différente cette fois. Celle qu'elle avait freudonné avec Sebastian, la maquette.

- I did all I could. And I gave everything. But you had to go your way. And that road was not for me...

Elle se rassit dans l'herbe, replia ses genoux contre sa poitrine, y posa ses bras, plaça ses bras en croix, atrappant ses épaules de ses mains et posa sa tête sur ses bras. Elle le regarda un moment. Peut-être un long moment. Elle regardait son doux visage et le détaillait avec plaisir. Il était clair qu'elle ne se lasserait jamais de cet exercice. Elle ne sourit pas. Elle n'en avait plus envie. Ses grand yeux bleus étaient juste braqués sur lui, communicant du mieux qu'ils le pouvaient la douceur qu'elle voulait lui faire parvenir. Il était trop beau et trop fragile pour qu'elle ne rejette sur lui toute la colère qu'elle pouvait ressentir et cette immense déception.

- Mary m'a dit... Que tu n'y avais jamais cru.

Elle laissa passer un moment, ses prunelles océaniques se perdant dans l'immensité verdâtre de l'herbe de ce champ.

- J'aurais voulu savoir comment faire. Je regrette de n'avoir pas trouvé les mots ou les gestes pour te faire comprendre.

Elle fronça les sourcils et soupira de rage, ayant, malgré elle, un geste de colère.

- Te faire comprendre que je t'aime! Que je voulais vivre avec toi jusqu'à la fin! Je voulais qu'on devienne grand papy Nick et mémé Norah! Je voulais qu'on gâte nos arrière petits enfants et qu'on mette tout sur le dos de Kevin comme des gamins! Moi je voulais que mon futur bébé éventuel soit le tien. Merde!

Elle se leva et marcha un peu dans l'herbe, ses petits pieds toujours pas chaussés, pour se calmer. Elle sentait la rage former une boule de sanglots dans sa gorge, mais il était hors de question qu'elle pleure de colère dans son propre rêve.

Elle ferma les yeux un moment pour se recentrer. Puis elle les leva au ciel excédée, avant de se tourner à nouveau vers Nicholas.

- Nick, les excuses sont inutiles s'il n'y a rien derrière. C'est pas parce que tu seras désolé que j'aurais plus l'impression d'avoir fait de mon mieux avec toi pour rien. Regarde-moi dans les yeux maintenant, et ose me dire que tu as toujours eu confiance en moi. Ce serait mentir, tu le sais très bien. Et c'est pour ça que notre couple n'aurait pas put fonctionner. Tu n'as jamais eu une totale confiance en moi. J'aurais sauté dans le vide si tu me l'avais demandé. Toi tu aurais douté. Tu vois, j'ai toujours su attirer les hommes mais après j'suis perdue. Je sais comment les amener à moi mais je suis incapable de m'occuper d'eux. Et voilà où ça mène. J'aurais bien dit que j'allais devenir lesbienne pour me simplifier la vie, mais avec les filles c'est pire encore.

Elle leva encore les yeux au ciel, fatiguée. Elle devait vider son sac un jour ou l'autre.

- Pourquoi tu n'avais pas confiance? C'est pas ma faute si tu fais un complexe d'infériorité par rapport à Joseph!

Elle pleurait. De rage. Il fallait bien que ça finisse par arriver.

Les yeux de Norah se plissèrent de rage, elle eut un peu de mal à respirer et serra les poings en même temps qu'elle serrait les dents et pinçait les lèvres.

- Non, je me suis plus précisément dit "J'ai abandonné Joseph pour Nicholas, ne pensons plus au passé, c'est fini et LUI ne m'abandonnera jamais." Tu vois, on est con quand on est jeune! J'aurais dû me blinder!

Elle courrut jusqu'à se mettre pile en face de lui et plenta son regard azur dans les yeux noisettes du jeune homme. Elle respirait toujours difficilement et irrégulièrement, les dents serrées pour tenter de garder un semblant de contrôle. Il était troublé et furieux.

Il était magnifique.

Mais elle aussi était furieuse et cette beauté diabolique, anormale, la mettait plus encore hors d'elle.

Elle se débatit et le repoussa de toutes ses forces. Elle aurait voulu l'embrasser comme ça pendant des années mais c'était sans compter sa douleur, sa haine et, bien sûr, sa fierté. Elle fit un pas pour s'éloigner de lui et le gifla de toutes ses forces.

- Pourqui tu te prends?! Tu te fous de ma gueule ou quoi?! Tu te barres avec elle et tu viens hanter mes rêves?! Tu m'insultes et tu m'embrasses? j'suis pas ton jouet Nicholas Jerry Jonas! Tu t'es cru où? T'as pas le droit de me faire ça! Pour une fois que j'arrivais à dormir, il faut encore que tu gâches tout. Je t'aime. Tu le sais. Alors arrête de faire ça.

Elle s'était retournée, elle savait que cette colère ne la mettait pas à son avantage et elle ne voulait pas qu'il puisse voir son visage.

Des larmes dévàlèrent la pente de ses joues lorsqu'elle comprit qu'il partait.

- Nick! Attend! Pars pas tout de suite...

Elle s'aggripa à sa main.

- Tu reviendras? Demanda-t-elle, à bout de souffle et les yeux embués.

Elle n'arrivait pas à le laisser s'enfuir. Elle était habituée à sa présence et elle avait eu si longtemps besoin de lui pour sourire qu'il lui était difficile d'imaginer le considérer à nouveau comme un simple ami. Même si elle en avait très envie. Elle voulait pouvoir rester près de lui sans fixer ses lèvres et ses mains et se remémorer leur douceur. Elle voulait qu'il se sente bien auprès d'elle comme auprès d'une confidente et elle voulait qu'il redevienne son confident. Après tout, il savait des choses que personne d'autre ne savait. Personne à part Maxence.