1st Interview: Sebastian Kruger.

Ilena était arrivée dans les locaux qu'elle louait pour le Philadelphian Whisperer bien en avance. Depuis des mois elle mettait en place la publication d'un magasine people rservé à Philadelphie et ses alentours. Elle avait d'abord cherché un éditeur puis des locaux et ensuite investi dans du materiel. Grande adepte du jeu perso, elle avait décidé de tout mettre en place totalement seule. la demoiselle savait pertienemment que ses longues nuits de sommeil étaient bien lointaines, mais l'idée de passer ses journée et ses nuits à travailler pour le PW ne la dérangeait pas le moins du monde. Elle avait une grande idée de ce qu'elle allait en faire et, il lui faudrait peut-être du temps, mais le résultat final serait digne des grands magasines distribués internationalement.

Le tout premier numéro du Philadelphian serait consacré au styliste de talent Sebastian Kruger, un jeune homme que notre journaliste respêctait beaucoup pour son travail hors du commun. le stress s'était emparé d'Ilena la veille de la date fixée pour l'interview. Elle avait fait nuit blanche revoyant les questions qu'elle avait préparées des dixaines de fois. Puis le matin était arrivé et elle avait décidé de se rendre très vite aux bureaux du mag pour être certaine que tout soit en ordre. Elle en était à présent à son troisième café et attendait impatiemment l'arrivée du styliste.

Ilena s'était assise derrière son bureau et s'était presque assoupie à l'instant où Sebastian entra dans la salle. Elle eut un sursaut en l'entendant frapper et se leva, comme si de rien n'était, lorsqu'il poussa la porte.

- Bonjour, répondit-elle avec un large sourire avant de contourner son bureau, pour aller serrer la main du jeune homme. Je suis Ilena Tiltt, c'est moi qui vous ai contacté. Je vous remerci d'être venu, si vous voulez bien me suivre...

Elle montra d'un geste de la main le couloir avant de s'y engouffrer, Sebastian à sa suite. Elle poussa la porte d'une sorte de petit sallon, prévu pour les interviews.

- Si vous voulez bien prendre, place, je reviens dans une minute. Un café vous ferait-il plaisir?

Elle espérait cacher par un sourire courtois et quelques mondanités, le stress qui lui prenait la gorge. Elle savait qu'il s'estomperait bientôt mais, pour le moment, il était bel et bien présent et il fallait s'en accomoder.

Ilena sortit chercher le calepin sur lequel elle avait griffonné les différentes questions qu'elle avait cru bon de poser à Sebastian et un gobelet de café qu'elle n'avait pas fini. Elle en profita pour réajuster sa tenue -on ne se présente pas à un styliste avec l'air débrayé, question de bon sens- et reparut, un sourire chaleureux sur les lèvres. Elle alla s'asseoir sur un fauteil eu face du garçon, mis en marche undictaphone pour enregistrer l'interview et s'éclaircit la gorge avant de commencer.

- Bien. Alors, tout d'abord, merci d'être venu, il s'agit de ma première interview, c'est donc un grand moment pour moi. Entrons tout de suite dans le vif du sujet. Vous êtes aujourd'hui l'étoile montante des défilés, chez les people on s'arrache vos vêtements à n'importe quel prix. Mais nous sommes en droit de nous demander comment on en arrive à un tel sommet. Le stylisme, pour vous, c'était une vocation? Un rêve de gamin?

Ilena le regardait en souriant et prenait quelques notes sur son carnet. Etant donnée la présence du dictaphone, cette espèce de manie de tout retranscrire par écrit pouvait sembler étrange, mais durant ses études, la jeune brune avait déjà du faire face à une panne de dictaphone en simulation d'interview. Elle avait fini avec un zéro dans sa moyenne et ce souvenir impérissable l'avait entrainée à assurer ses arrières.

- Votre collection Automne-Hiver à venir est très attendue. Quelques mots vous viennent-ils pour nous en parler précisément?

Elle était elle-même affreusement impatiente de découvrire les nouveaux travaux de Sebastian. Le moindre indice sur une ligne de conduite suivie ou des idées précises seraient le bienvenu, pour elle, comme pour ses lecteurs.

Ilena sourit d'un air complice. Elle aimait ce mystère et ce professionalisme, elle trouvait absolument normal qu'il refuse de se dévoiler au sujet de sa prochaine collection. C'était son métier, son bébé, sa petite surprise à l'intention du monde. Mais chacun son Job, et elle avait pour vocation d'essayer d'en apprendre le plus possible. Chacun a sa place et ainsi tournait le monde.

- Vous parlez de travailler avec vous-même et il n'est, en effet, pas passé inaperçu que votre travail est généralement différent de ce que l'on a l'habitude de voir. je tiens pour exemple le nouveau visage que vous avez présenté au monde, celui d'une jeune femme, Norah Richardson. Alors, n’hésitons pas à poser les questions que tout le monde se pose. Cette parfaite inconnue aux mensurations inhabituelle va-t-elle devenir l’égérie des vêtements Krüger ? Ou s'agit-il d'un simple coup de pub destiné à toucher un plus large public?

Voir une si petite demoiselle sur le podium d'un défilé de mode avait immédiatement retenu l'attention d'Ilena. Du haut de son mètre soixante-treize, la jeune brune n'avait jamais imaginé changer les standards de la haute couture et l'idée l'avait, au départ, plus ou moins choquée.

Ilena réfléchit un instant en même temps qu'elle griffonait sur son calepin. Sebastian était une personne intelligente. Il venait de tout dire en ne dévoilant rien du tout. Cette idée lui était assez dérangeante dans la mesure où elle avait prévu, pour le reste de l'interview, quelques questions plus personnelles... Elle s'attendait à ce qu'il refuse de dévoiler des "secrets de fabrication" ou encore les thèmes principaux de sa prochaine collection. Aussi avait-elle imaginé une sorte de plan de secours. Mais s'il maniait si facilement les mots, elle finirait sans rien avoir à écrire dans sa première édition. De plus, l'idée de poser ces questions à Sebastian la rendait un peu nerveuse. Elle ne voulait surtout pas qu'il prenne mal les thèmes abordés.

*le courage est la plus grande des vertues*

Elle prit une grande inspiration et décida qu'il fallait s'endurcir ou changer de métier. Si les autres y parvenaient, il n'y avait aucune raison qu'elle faillisse.

- On parle beaucoup d’une certaine loi concernant le mariage homosexuel. Pensez-vous qu’aujourd’hui la société est prête à accueillir et accepter les différence ? Est-il difficile de vivre ouvertement son homosexualité de nos jours dans une grande ville comme Philadelphie ? Récita-t-elle comme un poème appris par coeur, le tout, sans reprendre sa respiration.

Ilena sourit comme une gamine devant son cadeau de Noël, revigorée par une réponse si clairement sincère. c'était comme si, soudainement, I Don't Like Mondays des Boomtown Rats raisonnait dans sa tête et la pression redescendit de ses épaules dans une espèce de petit rire de soulagement. Elle prit une grande inspiration et tourna sept fois sa langue dans sa bouche avant de se donner le droit d'un dernier affront. Son sourire le plus déterminé sur les lèvres, elle regarda Sebastian dans les yeux et osa poser sa dernière question.

- On se murmure de plus en plus fort les facéties amoureuses de Sebastian Kruger, dans les couloirs. On entend ces derniers temps, notamment, parler d’un jeune mannequin… Alors, officialiserez-vous un jour votre relation avec l'indéniablement sexy, Kaï faber?

Il ne dirait rien. C'était évident. Mais elle n'aurait jamais à regréter de ne pas avoir essayé.

Ilena sourit avec satisfaction. Elle aurait été déçue de lui s'il en avait dévoilé plus que ça. c'était précisément le jeu. Elle posait des questions auxquelles il répondait sans y répondre et elle devait chercher plus loin. Elle trouvait ça grisant.

- Hé bien, je vous remercie, c'était ma dernière question. J'ai votre permission de publier l'histoire du lycée?

Elle n'attendit pas qu'il réponde et referma son calepin, vérifiant que son dictaphone ne l'avait pas abandonnée en route. RAS.

- Le mot de la fin?

Elle afficha un sourire vaincu.

- Parfait, j'accepte de vous envoyer mon avant première. Vous venez de gagner la partie!

Elle lui tendit la main en se demandant déjà comment gagner la prochaine. Ilena n'était pas vraiment mauvaise perdante et, pour le coup, elle avouait volontier qu'il lui avait coupé l'herbe sous le pied en devinant ses intentions. mais ce n'était que sa première véritable interview et l'on n'apprenait pas ce genre de ficelles à l'école. Avec un peu de temps, elle réussirait à contourner gentiment ce genre de petits arangements. Cependant la brunette restait une femme de parole et elle ne poignarderait pas Sebastian dans le dos. Surtout pas Sebastian!

- J'espère vous revoir bientôt. Notamment à la sortie de cette énigmatique nouvelle collection. Sourit-elle en lui serrant chaleureusement la main.

- Parfaitement. Répondit-elle sans se départir de son sourire. Et, croyez-moi, je n'hésiterai pas une seconde.

Elle le raccompagna aimablement jusqu'à la porte, lui proposa à nouveau un café, sachant pertinemment qu'il le refuserait avec politesse et lança quelques mondanités. Lorsqu'il fut sorti des locaux, elle se sentait étrangement plus légère. Cette interview était le commencement d'une montagne incroyable de travail, mais elle se sentait bien. Elle ferma la porte à clef pour n'être dérangée par personne et se rendit dans son bureau pour commencer à taper à l'ordinateur l'interview dans son intégralité. Elle alluma la radio et monta le son sur "somebody told me" de Killers...

- Quelle ironie...!