Enfin des vaccance... [LIBRE]

Norah avait décidé que la vie ne s'arrêterait pas au départ de Nicholas. Elle s'était finalement levée, douchée, habillée... Apprétée serait plus exact. Elle avait passé une de ses plus jolies robes et des hauts talons qui lui donnaient une allure élancée et élégante. mais, en y réfléchissant bien, à quel moment Norah n'était-elle pas élancée et élégante? Tout simplement jamais. Elle sourit en réalisant que ces pensées qu'elle avait enterrées pour devenir une petite amie parfaite, pour Nicholas, lui revenaient petit à petit. Elle recommençait à se prendre pour la reine du monde... Comme le lui avait suggéré Joseph.
Ses pieds -joliement chaussés, donc- l'avaient emmenés, un peu malgré elle, jusqu'au Rittenhouse Square. Elle ne savait pas pourquoi, mais cet espace tranquille de verdure et de calme l'inspirait particulièrement ce jour là. Elle marchait tranquillement, souriant avec fierté et insolence comme elle l'avait si longtemps fait. Ses yeux flottaient dans l'air passant d'une chose à l'autre. Un arbre, une fleur, une vieille dame, un jeune homme à qui elle souriait, le regardant avec p^lus d'incistance et puis, elle rompit le jeu de regard avec cet inconnu et vogua vers d'autres horizons.
C'est à cet instant qu'elle croisa un visage connu. Son visage s'illumina et elle pressa le pas. Il y avait fort longtemps qu'elle n'avait pas revu Kaï. Et, comme par hasard, il se trouvait assis au square exactement à l'instant précis où elle décidait de sortir de ses sanglots.
Elle s'assit à côté de lui, faisant semblant de rien. Elle attendait qu'il tourne la tête et la remarque. Elle savait qu'il la remarquerait. Gay ou pas, n'importe quel garçon remarquait Norah Richardson.

Elle lui envoya un sourire serein qui se serait voulu rassurant si elle avait eu assez d'assurance pour deux. Elle posa doucement sa main sur celle du garçon avant de prendre une grande inspiration et de regarder au loin un petit point d'eau qui rayonnait au soleil.

- Comment vas-tu, petite chose?

Elle se souvenait l'avoir toujours nommé ainsi. Qu'il le sache ou non, c'était le surnom qu'elle lui avait attribué depuis longtemps. Il faisait facilement 30cm de plus qu'elle et était plus âgé, mais ça n'était àas important à ses yeux. Elle trouvait des suronms qui, selon elle, collait à la personnalité des personnes. Nick, c'était petit scarabé parce qu'à l'époque où ils s'étaient rencontrés, il avait encore beaucoup à apprendre. Kaï, c'était petite chose, parce qu'il serait à jamais doux et fragile.

Elle sourit et répondit comme si c'était tout à fait normal.

- Absolument pareil. Les vacances en moins. Mais je ne voudrais pas être en vacances. Être en vacances c'est cesser le théâtre, c'est être chez moi toute seule et me demander comme il va, où il est, ce qu'il fait. C'est allumer ma télé et le voir souriant à une caméra. C'est essayer de dormir et finir par me saouler la gueule devant un DVD que je connais par coeur. Être en vacances c'est ne plus avoir Sasha pour me sourire le matin à 8h quand j'arrive à l'école. Être en vacances c'est penser que Joanna est avec Joseph, que Mary est avec Kevin et que j'ai perdu ma vie. Je crois que jamais de ma vie je n'ai détesté les instants de calme autant qu'aujourd'hui. Je voudrais travailler tout le temps parce que là, maintenant, à ce moment précis, c'est ce qui me tient debout.

Elle haussa les épaules.

- Sebastian est venu me voir. Quand vous vous êtes séparés. Je l'ai consolé, j'y ai passé beaucoup de temps. Et l'autre soir, il est revenu et c'était moi qui était minable. Horrible, ridicule. Je te le dis parce que je te fais confiance. Mais ne t'avises pas de répéter à qui que ce soit que Norah Richardson peut être minable. Je te tuerais.

Elle laissa passer un temps puis regarda à nouveau Kaï.

- Tu n'imagines pas comme je te comprend. Et encore, vous, c'est pire.

Elle baissa les yeux un moment et sans les relever elle tenta de répondre à Kaï.

- Tu te souviens des histoires à St Adrien? Rachel, Nicholas, Joseph et moi? Nick et moi on a fait des conneries plus grosses que nous à l'époque. Mais ça nous avait rendu heureux, parce qu'on avait pu se trouver tous les deux. On étit réunis et on se sentait bien. Je t'avoue que quand il était pas là, j'ai longtemps pleuré Joseph. Peut-être... Plus d'un an. Mais juste quand Nick était pas avec moi. Quand il était à mes côtés, j'avais l'impression de revivre. Enfin, comme tu sais, même sans lui, quand il y avait des gens je m'appliquais à rester la Norah Richardson qu'ils connaissaient. C'était plus simple comme ça. Et j'ai tout fait pour ne plus penser à Joe, jusqu'à ce que tout le monde oublie les sentiments que j'avais eu pour lui. Et je me suis installée en ville avec Nick, pendant 6 ans on a vécu ensemble. Et, je te jure, je croyais dur comme fer que j'avais enfin trouvé le bonheur. Et puis il a trouvé quelqu'un de mieux. Enfin, "mieux"... C'est un grand mot, il la connaît même pas cette pute! J'te jure il l'a vue une après midi et il s'est baré avec elle. Et elle va lui faire du mal, je le sens. Et de l'autre côté y a la Joanna qui revoit Maxou... Ca va encore se finir en grand bazar cette connerie. D'un côté je me dit que quand elle lui aura brisé le coeur il aura juste récolté la monnaie de sa piece et en même temps je sais que je souffrirais pour lui si ça arrivait. Il a dit au début qu'il partait parce qu'il savait que j'avais toujours des sentiments forts pour Joseph. Ce qui est vrai. Mais Joe est avec Joanna et maintenant la petite Norah est toute seule. Et puis il a dit qu'il avais qu'il ne pourrait jamais me rendre heureuse comme le pourrait Joe. Ce dont je ne suis pas tout à fait certaine. Enfin, tu sais, il se dénigre toujours par rapport à Joe. Il a pas compris que Joe avait refait sa vie. Et que j'avais pigé le délire. Bref. Je parle toujours trop. C'est un défaut qu'il ne m'a pas reproché, cela dit.

Norah glissa les mains dans sa nuque, sous la masse dorée de ses cheveux blonds. Elle y détacha la chaîne qu'elle gardait depuis huit ans autour du coup. Un bijou énigmatique que personne n'avait, jusqu'alors, pu voir. Pas même Nicholas. A aucun moment elle n'avait laissé une autre personne qu'elle même connaître la nature du pendentif qui se perdait au fin fond de chacun de ses décoltés. Il était toujours là, bien caché, solidement accroché à une chaînette en argent que pour rien au monde elle n'aurait quittée. Mais jamais elle n'avait daigné le montrer.
A cet instant précis, elle se sentait si proche de Kaï, presque comme lui, qu'elle voulait lui montrer combien la douleur qu'il ressentait... Il n'était pas le seul à la traverser. Oui, ce pendentif était à lui seul le concentré de tout le mal que Norah avait put faire à son amour et se faire à elle-même. Elle tira doucement sur la chaîne et du col de sa robe sortit le fameux bijou. Une bague. Mais pas n'importe quelle bague.elle savait que Kaï reconnaîtrait en cet anneau la bague de fiancailles que lui avait offerte Joseph huit années plus tôt.

- Elle ne m'a jamais quittée. Je ne l'ai pas gardée au doigt parce que je sais que Joseph m'aurait assassinée et s'il ne l'avait pas fait, s'aurait été Nicholas ou Joanna. Alors je la cachais. Mais jamais je n'aurais pu m'en séparer. Tout ce temps, elle me rappelait que j'ai fait du mal autour de moi et que je me suis fait du mal, à moi-même. C'est comme une leçon d'humilité. Quand je la vois, elle me dit de rester correcte avec les gens qui m'entourent et que rechercher sans arrêt la compagnie des hommes m'a poussé à perdre celui qui a toujours été le plus important pour moi. Je sais, grâce à cette bague que la loyauté n'est pas mon point fort et que j'ai perdu mon grand amour par faute de mes frasques continuelles. Quand je la regarde, je me sens minable parce que je pourrais l'avoir toujours au doigt et vivre heureuse avec l'homme que j'aime. Et en même temps elle me rappelle que je suis forte et qu'on l'est tous, parce que malgré tout ce qu'on a traversé, on s'est relevés et on a recréé nos vies. Moi, je ne pourait pas me suicider, ce serait trahir le message que me renvoie ce symbole.

- Je ne vais pas te mentir. Il parle peu de toi. Il parle peu de toute façon. Mais tout n'est pas perdu. Ca se voit, c'est plus le même Sebou qu'avant, tout comme je ne suis plus la même Norah et tu n'es plus le même Kaï, ainsi de suite. On a tous perdu quelque chose. L'arogance que nous donnait l'assurance d'aimer et de l'être en retour s'est effacée. Et j'ai la conviction qu'il t'aime encore bien plus que tu ne peux l'imaginer.

Elle leva les yeux pour regarder un ciel, l'air absent. Joseph avait changé, lui aussi. Mais elle ne savait pas trop quoi penser de lui. Quant à Nicholas... Il était incompréhensible et sa colère, à elle, l'empêchait d'analyser clairement la situation. Plus elle pensait à Joseph, plus elle se figurait, malgré-elle qu'il l'aimait toujours lui aussi. Lorsqu'elle se prenait à y penser, elle avait bien envie de se mettre, elle-même, la tête dans les toilettes et de tirer la chasse, pour se punir. Mais il n'y avait rien à faire, elle était persuadée de lui manquer autant qu'il lui manquait. Et les paroles de Nicholas n'avaient en rien aidé cette réflection. Mais une chose était certaine. La route qui, éventuellement, les rapprocherait l'un de l'autre serait longue et semée d'embuches.

- Mais... Ca peut être difficile. Je crois, vraiment, que, lui comme toi, seriez plus heureux ensemble. Mais le chemin risque d'être long. Il faudra être fort, persévérer. Tenter encore et encore. En douceur ou avec plus d'insistance... Je ne sais pas trop. Mais il faidra bien que l'un de vous fasse un pas. Que vous finissiez par vous faire violence et... J'en sais rien, je sais pas précisément ce qui vous a séparés... Mais peut-être vous excuser et recommencer à zéro...

Norah réalisa que c'était là, exactement, que leurs histoires se séparaient. Elle avait dû s'excuser auprès de Joseph au moins des millions de fois. Plus ou moins implicitement. Mais ce n'étaient pas de petites excuses qui pouvaient les ramener l'un vers l'autre. Même quelque chose de plus fort était peut-être encore trop faible... Une fine larme coula sur sa joue gauche. Par chance, Kaï était à sa droite, il ne pouvait pas voir la goute d'eau salée qui perlait sur son visage. Elle se tut, pourqu'il ne perçoive pas non plus les sanglots bloqués dans sa gorge.

- Je sais.

Le rassura-t-elle en lui coupant la parole.

- Je sais bien que Joe n'a pas été très cool avec vous et je ne te demande rien. Bien sûr que je veux bien t'aider. Je peus te donner son numéro de téléphone si tu veux et son adresse. Je veux bien essayer de lui parler un peu, mais, tu comprends que je n'aie pas envie de le froisser ni de lui faire le moindre mal. Si ça venait à remuer une quelconque blessure, je m'en voudrais... J'essaierais de faire ce que je peux pour toi. Vous ensemble, c'est de l'espoir pour moi.

Elle sortit son téléphone et rechercha le nom de Sebastian dans son répertoire. Elle afficha les renseignement à son sujet et tendit le petit appareil à Kaï.

- Voilà, son numéro, son adresse et la photo que j'ai prise l'autre soir.

Elle sourit à Kaï. Un sourire mince et forcé qui se voulait rassurant. Forcé, pas qu'elle n'ait pas envie de lui sourire. Plutôt qu'elle n'avait plus envie de sourire du tout.

Norah sourit, un peu plus sincèrement cette fois. Il était vraiment adorable ce petit Kaï... A cet instant précis elle ne se voyait plus vraiment en lui. Il lui semblait plus être comme un petit animal chétif et en danger. Même si elle était de ceux qui n'aiment pas les animaux, elle se sentait bien de l'avoir aidé un peu.

- C'est normal. J'aimerais bien pouvoir me raccrocher à quelque chose, moi aussi. Et puis, je te l'ai dit, j'ai l'impression que c'est aussi un service rendu à Seb'. Et j'avoue que s'il n'avait pas été là l'autre soir j'aurais fini la nuit avec la tête dans les toilettes à vider mon estomac... Très glamour.

- Pas grand chose.

Toute sa vie ces sept dernières années n'avait tourné qu'autour de Nicholas et de sa passion pour l'Art Dramatique qu'elle étudiait au Kimmel Center.

- Je vis maintenant pour ma passion, tu sais? Le théâtre. Ca a toujours été en moi. A la fac on a été mis par groupes et je forme un duo avec un garçon qui s'appelle Sasha. Il est Polonais. Il est très gentil et on s'entend à merveille. Parfois j'ai l'impression que lui et moi on est un peu la même personne qui aurait été séparée en deux pour créer un Sasha et une Norah. Sur scène on a vraiment le même mode de fonctionnement et on s'allie à merveille. Les profs ont tout de suite vu qu'on serait bien mieux à deux que chacun dans un groupe différent. Il y a aussi des groupes de trois ou quatre, mais les autres n'arrivaient pas à nous suivre alors on a pu rester juste à deux.

- Je ne suis jamais seule. Même si en ce moment c'est une impression perpétuelle.

Elle sourit et écouta Kaï parler encore. Sa dernière phrase la fit réagir.

- Je n'ai pas cette impression. Pour moi, c'est comme si St Adrien était il y a des milliards d'années. Tous ces bons moments... J'ai l'impression d'avoir vraiment fait ma vie depuis. Comme si j'avais grandi et que St Adrien était maintenant passé à une autre catégorie de souvenirs.

La vérité c'était qu'il y avait deux parties d'elle qui se battaient sur ce sujet. L'une avait l'impression de voir Joseph encore si proche comme si elle l'avait laissé la veille, l'autre pensait avoir vécu une réelle partie de sa vie avec Nicholas et ce depuis un bon bout de temps... Elle était indécise à ce sujet.

Elle sourit et prit doucement kaï dans ses bras.

- Au risque de me répéter, moi aussi, je te promet que ça me fait plaisir. Tu as raison, les souvenirs sont parfois si forts et on voudrait tellement qu'ils soient plus proches qu'on a l'impression qu'ils n'ont eu lieu que très peu de temps plus tôt. Je connais cette sensation. Tu sais, j'ai vu Joseph l'autre jour. Il a posé ses lèvres sur les miennes et c'est comme si tous ces mois passés avec lui à St Adrien m'étaient revenus un pleine figure tout d'un coup. Ca m'a fait un bien fou et extrêmement mal en même temps...